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Le démarrage

En tant que chimiste, je partage cette déception sur la place qu’on lui réserve désormais, car la cristallographie m’a beaucoup apporté tout au long de ma carrière de chercheur. Sans elle, je n’aurais pas fait tout ce que j’ai réalisé avec mon jeune groupe, et je dois rendre ici un hommage appuyé à quelques amis qui ont déterminé cette orientation, et, chronologiquement, d’abord à notre regretté Daniel Grandjean, issu de l’école strasbourgeoise de cristallographie.

Jeune cristallographe nommé à Rennes dans les années soixante-dix, à un moment où les chimistes du solide de l’époque n’avaient pour la plupart suivi pour leur cursus aucune formation en cristallographie, il a vite compris que combler cette lacune apporterait beaucoup à leur jeune discipline. A l’époque, en effet, l’apport cristallographique à leurs études se limitait le plus souvent à la publication du diagramme Debye Scherrer des produits qu’ils découvraient… Il a donc organisé des cycles de formation à l’intention des jeunes chimistes du solide de l’Ouest de la France (Rennes, Nantes, Le Mans essentiellement). Sa pédagogie a fait merveille et, pour passer de la théorie à la pratique, il a mis à la disposition de ceux qui le désiraient ses diffractomètres sur cristal. Voilà comment je suis ‘entré’ en cristallographie… Je note aussi qu’à la même époque, j’ai fait la connaissance de Daniel Louër, ce pionnier de la diffraction de poudres, lui qui devait, grâce à son obstination, sa rigueur et son talent, rendre plus tard tant de services à une communauté qui l’avait, avouons-le, largement mésestimé en ce temps-là… Mais j’y reviendrai.

Grandjean nous avait fait un cadeau formidable : nous permettre d’accéder techniquement à l’organisation de la matière à l’échelle atomique pour pouvoir tenter d’expliquer les propriétés de nos solides, de comprendre comment elle était faite en travaillant sur les groupes d’espace et les facteurs de structure. Une porte était ouverte : nous pouvions désormais visualiser les architectures des solides que nous créions. Pour les chimistes que nous étions, c’était une découverte… Mais en tant que chimistes, il nous fallait aller plus loin que le tableau de coordonnées atomiques auxquels nous accédions. On peut techniquement jouer correctement du violon ; encore faut-il le faire chanter pour qu’il exprime toute l’âme de la musique qu’il interprète… La cristallographie nous a permis de jouer ; la cristallochimie nous a permis de faire chanter les structures…