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L'AFC félicite ses 3 lauréats du prix de thèse 2014. Les lauréats ont présenté leurs travaux lors du colloque Rayons-X et Matière du 1er au 4 décembre 2015 à Grenoble.

Le prix AFC - Mention Biologie a été attribué à Ali Flayhan, Institut de Biologie Structurale à Grenoble, thèse soutenue en juin 2012 sous la direction de Cécile Breyton. Titre: Reconnaissance phage – bactérie dans le système phage T5 – E. coli. Caractérisation biochimique et structurale du complexe FhuApb5 et de la protéine caudale pb9.

Le prix AFC - Mention Physique a été attribué à Mohamed Salah Amara, Laboratoire de Physique des Solides d'Orsay, thèse soutenue en décembre 2014 sous la direction de Pascale Launois et la co-direction d'Antoine Thill au LIONS, CEA-Saclay. Titre - Nanotubes d'imogolite et propriétés de l'eau confinée : organisation, structure et dynamique


Le prix AFC - Mention Chimie a été attribué à Arnaud Grosjean, Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux,  thèse soutenue en décembre 2013 sous la direction de Philippe Guionneau. Titre - Matériaux polymériques 1D à transition de spin: investigations structurales multi-échelles.

 

Le prix Biologie (Ali Flayhan):

prix AFC photo AF Au cours de cette thèse, j’ai abordé les premières étapes de l’infection d’une bactérie par un bactériophage dans le système E. coli - phage T5. Mes travaux de recherche se sont principalement focalisés sur la caractérisation biochimique et structurale du complexe formé entre pb5, la RBP (Receptor Binding Protein) de T5 et son récepteur FhuA, un transporteur de fer-ferrichrome, de la membrane externe d’E. coli. Cette interaction induit très probablement des changements de conformation, transmis le long de la queue jusqu'à la capside. Ils provoquent l'ouverture de la capside et l'éjection de l'ADN viral dans le cytoplasme bactérien, via un canal formé par le virus qui perfore la paroi bactérienne. J’ai montré que la formation du complexe n’induit pas de réarrangements majeurs des structures de pb5 et/ou de FhuA. Seuls des changements de conformation subtils, au niveau de structures secondaires, ont été décelés et attribués à pb5. Ces changements de conformation seraient à l’origine de la transmission du signal au reste du phage. Par ailleurs, des cristaux 3D de qualité moyenne (diffraction rayons X 8Å) et 2D de qualité supérieure (diffraction électronique 3Å) ont été obtenus. Des études de diffusion de neutrons et de rayons X aux petits angles ont permis d’obtenir un premier modèle tridimensionnel de pb5 seule et au sein du complexe. Ces modèles sont en accord avec la structure à basse résolution de pb5 et du complexe, obtenues par microscopie électronique sur particules isolées, et montrent que l’interface de liaison entre les deux protéines couvre toute la section extracellulaire de FhuA. De plus, pb5 se lie à FhuA par l’une de ses extrémités de telle manière que son grand axe et l’axe du tonneau de FhuA soient alignés (Fig. 1). Par ailleurs, contrairement aux différentes RBP décrites jusqu’à présent, pb5 semble composée d’un domaine unique et est présente en une seule copie au bout distal de la fibre droite de T5.
AF1En parallèle de l’étude du complexe FhuA-pb5 et dans le cadre d’un projet visant à localiser et déterminer les structures de l’ensemble des protéines caudales de T5, j'ai purifié, cristallisé et résolu la structure de pb9, une des protéines de la queue de T5 composée de deux domaines A et B (Fig. 2). Le phasage a été particulièrement laborieux car aucune structure homologue n’était disponible et les données anomales étaient de très mauvaise qualité. En effet, je n’ai pu avoir des données anomales qu’avec les complexes lanthanides, tous mes efforts, pour obtenir des meilleures données anomales à partir des trempages avec les sels d'atomes lourds classiques, ayant échoués. Nous avons localisé pb9 par immunolocalisation, en haut de la partie conique de la queue de T5. La structure nous a permis d’identifier pb9 comme étant la protéine distale de la queue (Dit) de T5, elle forme un anneau hexamérique qui relie la partie conique au tube central de la queue. Ce motif structural a été déjà observé chez les siphophages (phages à longue queue flexible non contractile) infectant des bactéries à Gram+. Pb9 est la première Dit décrite chez les siphophages infectant des bactéries à Gram-. AF2Nous proposons que ce motif soit conservé parmi tous les siphophages.

 Références:
- M. Noirclerc-Savoye, A. Flayhan, C. Pereira, B. Galet, P. Gans, C. Ebel, C. Breyton, Protein Expr Purif., 109C, 70-78 (2015).
- A. Flayhan, F. M. Vellieux, R. Lurz, O. Maury, C. Contreras-Martel, E. Girard, P. Boulanger, C. Breyton, J. Virol., 88(2), 820-828 (2014).
- Y. Zivanovic, F. Confalonieri, L. Ponchon, R. Lurz, M. Chami, A. Flayhan, M. Renouard, A. Huet, P. Decottignies, A. R. Davidson, C. Breyton, P. Boulanger, J. Virol., 88(2), 1162-1174 (2014).
- C. Breyton, A. Flayhan, F. Gabel, M. Lethier, G. Durand, P. Boulanger, M. Chami, C. Ebel, J. Biol. Chem., 288(42), 30763-30772 (2013).
- C. Breyton, F. Gabel, M. Lethier, A. Flayhan, G. Durand, J.M. Jault, C. Juillan-Binard, L. Imbert, M. Moulin, S. Ravaud, M. Härtlein, C. Ebel, Eur. Phys. J. E Soft Matter, 36(7), 71 (2013).
- A. Flayhan, F. Wien, M. Paternostre, P. Boulanger, C. Breyton, Biochimie, 94(9), 1982-1989 (2012).

 

Le prix Physique (Mohamed Salah Amara):

MSACe travail porte sur les propriétés structurales de nano-containers modèles ainsi que sur les propriétés structurales et dynamique de l’eau nano-confinée. Il s’inscrit dans les domaines de la nanophysique et de la nanofluidique.

Sa morphologie tubulaire unidimensionnelle et son diamètre de l’ordre du nanomètre font de l'imogolite, nanotube d'aluminosilicate (AlSi) ou aluminogermanate (AlGe) de formule générique HOSixGe1-xO3Al2(OH)3, un nano-container idéal. Mon travail de thèse s'est articulé autour de trois axes principaux : la synthèse des nanotubes [1,2,3], l'étude de leur structure et l'étude de fluides confinés, en particulier l'eau. Ce sont les deux dernières parties de ce travail, menées au Laboratoire de Physique d’Orsay ainsi qu’à l’ILL à Grenoble, qui sont récompensées par le prix de thèse de l’AFC, mention Physique.

image TOCMSLa détermination de la structure atomique de différents nanotubes d'imogolite, naturels et synthétiques, à base de silicium ou de germanium, mono- et double-parois a été réalisée grâce à des expériences de diffusion des rayons X aux petits et aux grands angles sur des suspensions de nanotubes et à la simulation des diagrammes DRX obtenus, sur la base d'un développement sur les fonctions de Bessel cylindriques [4]. Le point original de l'étude mise en place est l'élaboration d'une stratégie qui nous a permis de rendre compte à la fois des données DRX aux petits et aux grands angles (Amara et al., en préparation). Elle est basée sur la minimisation des distances interatomiques et des angles entre les liaisons au sein des tétraèdres SiO4 (GeO4) et des octaèdres AlO6 qui constituent une paroi du nanotube. Cette étude exhaustive a permis d'obtenir le nombre d'unités structurales par circonférence du nanotube ainsi que les coordonnées atomiques. Nous avons ainsi pu, pour la première fois, élucider la structure exacte des nanotubes d’aluminosilicates naturels -découverts en 1962- et synthétiques -obtenus dès 1977- et des nanotubes mono-parois d’aluminogermanates. Pour les nanotubes d'imogolite AlGe double-parois, nous avons de plus mis en évidence, pour la première fois aussi, l'existence de deux périodes incommensurables sur les deux parois interne et externe du tube.

L'étude structurale des imogolites nous a de plus amené à étudier leur déformation éventuelle. Nous avons d'abord montré comment contrôler l'assemblage des imogolites en phase solide, via le contrôle de la salinité de la suspension initiale. Nous avons alors pu étudier la déformation des imogolites AlGe mono-parois selon qu’ils sont organisés en petits (3-4 tubes) ou en grands (~60 tubes) fagots. L'analyse détaillée des mesures DRX effectuées sur ces deux sortes d'échantillons en poudre montre que les tubes acquièrent une forme elliptique dans le premier cas, en accord avec les prédictions théoriques, et qu'ils adoptent une forme hexagonale quand ils sont agglomérés en gros fagots selon un réseau hexagonal bidimensionnel. La combinaison d'un modèle analytique adapté et des mesures DRX montrent pour la première fois l'hexagonalisation des imogolites, introduisant un nouveau membre dans la famille déjà riche des imogolites [5].

Le nano-confinement à l'échelle moléculaire induit de nouvelles propriétés des molécules confinées. Les imogolites, nano-canaux hydrophiles avec un diamètre de l'ordre du nanomètre, constituent un système unique pour étudier le nano-confinement de l'eau. Nous nous sommes donc intéressés à l'étude de sa structure et de sa dynamique vibrationnelle. L'analyse des expériences de DRX in situ en fonction de la température montre l'existence de trois domaines différents en température, correspondant au départ des molécules d'eau à l'extérieur des nanotubes, puis de celles au centre des nanotubes (eau dite "confinée") et enfin des molécules d'eau en interaction avec la paroi interne (eau dite "liée"). Les deux dernières sortes d'eau présentent une dynamique vibrationnelle très différente : la diffusion inélastique des neutrons montre la signature d'une eau "amorphe" pour l'eau confinée, et la disparition totale des modes acoustiques dans le cas de l'eau liée avec l'apparition d'un nouveau mode autour de 13 meV, que nous attribuons à l'élongation des liaisons hydrogène avec la surface. Les modes de librations intermoléculaires présentent un amollissement par rapport au cas de l'eau en volume, plus important pour l'eau liée que pour l'eau confinée, en accord avec la diminution du nombre de liaisons hydrogène pour l'eau confinée et la diminution des degrés de libertés de libration pour l'eau liée. En résumé, notre étude, la première à avoir été réalisée sur ce système, a démontré l'existence de deux sortes d'eau dans les nanotubes, avec des propriétés dynamiques différentes (Amara et al., en préparation).

[1] M.S. Amara, E. Paineau, M. Bacia-Verloop, M.-E. M. Krapf, P. Davidson, L. Belloni, C. Levard, J. Rose, P. Launois, A. Thill. Chem. Commun. 49, 11284 (2013).
[2] A. Thill and M.S. Amara. Method for producing germanium imogolite nanotubes, patent WO 2014/147579 A1 (2014).
[3] M.S. Amara, E. Paineau, S. Rouzière, B. Guiose, M.-E. M. Krapf, O. Taché, P. Launois, A. Thill. Chem. Mater. 27, 1488 (2015).
[4] M.S. Amara, C. Mariette, E. Paineau, S. Rouzière, D. Petermann, M. Kociak, P. Launois. Reflets Phys. N°44-45, 34 (2015).
[5] M.S. Amara, S. Rouzière, E. Paineau, M. Bacia-Verloop, A. Thill, P. Launois. J. Phys. Chem. C 118, 9299 (2014).

 

 Le prix Chimie (Arnaud Grosjean):

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Les complexes moléculaires à base de FeII sont connus pour avoir deux configurations électroniques distinctes appelés états bas spin (BS) et haut spin (HS), en fonction de leurs environnements cristallins. Certains de ces complexes peuvent passer d’un état à un autre en fonction des conditions extérieures (température, pression, irradiation lumineuse) : c’est le phénomène de conversion de spin.
Parmi tous les matériaux à conversion de spin, la famille des complexes polymériques 1D [Fe(Rtrz)3]Xn présente une conversion de spin abrupte (transition de spin) avec large hystérèse autour des conditions ambiantes de température et de pression. Ces caractéristiques en font d’excellent candidat pour des applications concrètes [1,2,3] comme, par exemple, en électronique moléculaire ou encore pour des pigments X-chromes.
La maîtrise des caractéristiques de la transition de spin est aujourd’hui un enjeu majeur du développement de ce type de matériaux. Hors, les températures de transition, la largeur de l’hystérèse thermique ainsi que le mécanisme de transition sont connues pour être très liées au comportement structural à l’état solide [4,5]. Aussi, la maitrise des caractéristiques de la TS passe inévitablement par une meilleure compréhension des relations structure-propriétés et ce à toutes les échelles du matériau, de l’arrangement cristallin aux propriétés microstructurales. Pour cela les approches par diffraction des rayons-X sur monocristaux et sur poudre jouent un rôle clef.
Bien que la famille de composés [Fe(Rtrz)3]Xn soit connue depuis presque quarante ans [6] son comportement reste encore mal compris. En effet, au commencement de ce travail, aucune structure cristalline fiable n’avait pu être obtenue pour ces composés. De ce fait, les investigations structurales avaient été limitées à un strict minimum [7,8].
Au cours de ce travail, basé sur des investigations par diffraction X aux frontières des possibilités, il a été possible d’obtenir les premières descriptions fiables de structures cristallines pour ces matériaux [9,10]. Ces premiers résultats ont permis d’ouvrir la voie à de nombreuses études cristallographiques complètes sur les différents aspects du comportement structural de ces matériaux. Ainsi, il a non seulement été possible d’étudier les modifications structurales liées à la transition de spin mais aussi d’explorer des aspect nouveaux comme l’influence de la fatigabilité structurale, d’un traitement thermique, des morphologies des domaines cohérents ou encore l’effet de la pression. Ces études ont permis de révéler des modifications tant structurales que microstructurales pouvant être liées à la transition de spin et ont apportés des éléments nouveaux et essentiels à la compréhension et à la poursuite du développement de ces matériaux.
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[1] A. Bousseksou et al., Chem. Soc. Rev., 40 (2011) 3313-3335
[2] G. Aromi et al., Coordination Chemistry Reviews 255 (2011) 485-546
[3] O. Roubeau, Chem. Eur. J, 18 (2012) 15230-15244
[4] P. Guionneau et al., Top. Curr. Chem. 234 (2004) 97-128
[5] M. A. Halcrow, Chem. Soc. Rev., 40 (2011) 4119-4142
[6] J. G. Haasnoot et al., Z. Naturforsch, 32b(1977) 1421
[7] A. Urakawa et al., J. Phys. Chem. C, 115 (2011) 1323-1329
[8] A. Michalowicz et al., Chem. Mater., 7 (1995) 1833-1842
[9] A. Grosjean et al., Chem. Commun., 47 (2011) 12382-12384
[10] A. Grosjean et al., Eur. J. Inorg. Chem. (2013) 796-802