L'AFC félicite ses 3 lauréats du prix de thèse 2013. Les lauréats présenteront leurs travaux en cours de l'année 2014 lors d'un évenement à définir.
Le prix AFC - Mention Biologie a été attribué à Romain Talon, Institut de Biologie Structurale Jean-Pierre Ebel de Grenoble, thèse soutenue en juin 2012 sous la direction de Richard Kahn et Eric Girard. Titre - Développement de nouveaux outils pour la détermination de la structure de macromolécules biologiques par diffraction : application aux protéines membranaires et aux grands complexes protéiques.
Le prix AFC - Mention Chimie a été attribué à Nicolas Leblanc, Laboratoire MOLTECH Anjou, Université d’Angers, thèse soutenue en décembre 2011 sous la direction du Professeur Nicolas Mercier. Titre - Halobismuthates et haloantimonates de viologène : ferroélectricité et transfert de charge photo-induit.
Le prix AFC - Mention Physique a été attribué à Céline Mariette, Institut de Physique de Rennes, thèse soutenue en juin 2013 sous la direction de Bertrand Toudic et Philippe Rabiller. Titre - Brisures de symétrie dans des superespaces cristallographiques : aspects structuraux et dynamiques.
Le prix Biologie (Romain Talon):
Ces travaux de recherche s’inscrivent dans le cadre des développements méthodologiques pour la biocristallographie. Ils ont consisté en l’amélioration, à l’élaboration et à l’utilisation de complexes de lanthanide en tant qu’outils permettant de faciliter la détermination de structures de macromolécules biologiques par diffraction des rayons X. Ces complexes sont constitués d’un ion lanthanide chélaté par un ligand. Ce ligand peut, d’une part, assurer une liaison non-covalente avec les surfaces de macromolécules biologiques et d’autre part, rendre le complexe luminescent dans le spectre visible, ce qui permet de révéler aisément sa fixation dans les cristaux de protéines avant l’étape de diffraction. Une fois les complexes introduits dans les cristaux par co-cristallisation ou par trempage, les atomes de lanthanide constituent quant à eux une sous-structure qui, déterminée par les méthodes de phasage de novo courantes (SAD, MAD, SIRAS, MIRAS), permet de résoudre la structure de la macromolécule d’intérêt, même si celle-ci est de grande taille. En effet, au travers de huit fructueuses collaborations et trente structures résolues par phasage expérimental, ces complexes ont notamment permis d’obtenir par la méthode SAD la structure de l’aminopeptidase homo-dodécamérique TET1 de 444 kDa à 4 Å de résolution (Talon et al., 2011). Aussi, les structures de trois nouvelles enzymes homo-tétramériques de la famille des malate déshydrogénases ont été déterminées à très haute résolution. D’une part, en utilisant ces enzymes en tant que bibliothèque de fonctions chimiques, nous avons pu mettre en place une nouvelle approche méthodologique permettant une compréhension plus fine des modes d’interaction des complexes de lanthanide.
D’autre part, ceci a aussi donné lieu à de nombreux résultats annexes qui apportent de nouveaux éclaircissements sur l’adaptation halophile (Coquelle et al., 2010, Talon et al., 2013, soumis pour publication). Enfin, une nouvelle famille de complexes luminescents, modulables dans leur structure et présentant une plus grande affinité pour les surfaces des protéines modèles usuelles, a été élaborée et caractérisée (Talon et al., 2012, dépôt de brevet n°1255216). Ces précieux résultats scientifiques n’ont pu être obtenus que grâce à une ambiance de travail aussi joviale que studieuse, donc particulièrement exaltante, sous l’égide du Dr. Eric Girard et du Dr. Richard Kahn.
La thèse - sur le serveur TEL
R. Talon, L. Nauton, J. L. Canet, R. Kahn, E. Girard, A. Gautier, ChemComm 48, 11886-11888 (2012)
R. Talon, R. Kahn, M. A. Durá, O. Maury, F. M. D. Vellieux, B. Franzetti, E. Girard, J. Synchr. Rad. 18, 74-78 (2011)
N. Coquelle, R. Talon, D.H. Juers, E. Girard, R. Kahn, D. Madern, J. Mol. Biol. 404, 493-505 (2010)
Le prix Chimie (Nicolas Leblanc):
Ce travail de thèse s’inscrit dans la thématique très large des hybrides organiques-inorganiques, dont le but est d’obtenir des matériaux combinant à la fois les propriétés uniques d’une partie inorganique (semi-conductivité, magnétisme, luminescence, propriétés optiques..), aux propriétés uniques d’une partie organique (flexibilité, polarisabilité, matériau filmogène...). Dans notre étude nous avons combiné des anions inorganiques, provenant des éléments Bismuth (Bi3+), Antimoine (Sb3+) et halogénure (Cl-, Br-, I-), à une molécule organique bien connue, le Méthylviologène. Cette association nouvelle nous a permis d’identifier de nouveaux matériaux présentant d’intéressantes propriétés : -Dans une première étude, nous avons mis à jour une nouvelle famille de composés présentant des propriétés ferroélectriques remarquables, phénomène électrique (polarisation commutable par un champ électrique) équivalent à celui déjà rencontré dans les matériaux aimants (ferromagnétiques), et également à la base de nombreuses technologies, notamment dans le stockage de données et l’électronique (Disques Durs, Mémoires FeRam…). -Dans une deuxième étude, notre attention s’est portée sur une série de matériaux présentant d’intéressantes propriétés photochromes (changement de couleur du matériau sous l’action de la lumière et ce de façon réversible). Ce changement de couleur étant lié à la formation de charges stabilisées à l’intérieur du composé, il était donc important d’en comprendre les mécanismes afin de pouvoir par la suite utiliser potentiellement ces matériaux dans des applications comme le stockage d’énergie, ou encore dans le photovoltaïque, lors du relargage des charges dans un circuit électrique.
Le prix Physique (Céline Mariette):
La symétrie de translation qui a longtemps caractérisé le cristal est à la base de l’analyse de la physique du solide. Ces dernières décennies, la définition du cristal a changé incluant désormais des matériaux qui possèdent un ordre à grande distance, mais sans la symétrie de translation à trois dimensions. Ces composés dits « apériodiques » sont décrits dans le cadre de la cristallographie de superespace, espace de dimension supérieure à trois dans lequel la périodicité est retrouvée [1]. Un exemple fameux est donné par les quasicristaux, une découverte récompensée par le prix Nobel de Chimie 2011 [2]. Il existe d’autres types de cristaux apériodiques, dont les cristaux composites d’inclusion non stochéométriques. Durant cette thèse, nous nous sommes particulièrement intéressés à une famille prototype de composés supramoléculaires organiques, les n-alcanes/urée. Ces cristaux sont constitués d’un réseau d’urée qui forme des canaux dans lesquels sont imbriquées les chaines linéaires d'alcane. A température ambiante, l’urée a une structure en nid d’abeille de symétrie hexagonale, et les molécules d’alcanes présentent un désordre de rotation autour de leur axe. Suivant la direction des canaux, les périodicités des deux sous-réseaux sont généralement dans un rapport irrationnel. On peut aisément obtenir de tels cristaux d’inclusion avec des molécules d’alcane CnH2n+2 pour n plus grand que sept (heptane), ce qui fait de cette famille une plateforme modèle pour l’étude de la physique des composites apériodiques. Du fait des nombreux degrés de libertés offerts par l’apériodicité, ces composés présentent des transitions de phase structurales très originales [3].
Des études systématiques par diffraction de rayons X sur sources synchrotron révèlent de multiples solutions structurales impliquant des changements ou non de la dimension du groupe de superespace. Une fois la caractérisation du paramètre d’ordre et de la brisure de symétrie faite; nous avons pour la première fois pu étudier des phénomènes prétransitionnels critiques dans des superespaces avec en l’occurrence une augmentation de la dimension du superespace [4]. La diffusion cohérente de neutrons et la diffusion inélastique de rayons X nous ont permis une analyse dynamique des différentes excitations dans ces matériaux, en particulier les modes d’excitations spécifiques aux cristaux apériodiques, c’est à dire selon les directions internes du superespace (les phasons).
Les composés d’inclusion avec des molécules invitées courtes (n variant de 7 à 13) présentent en outre à température ambiante des phases « quasi-liquides » unidimensionnelles. Ce désordre dynamique le long de la direction d'incommensurabilité de ces matériaux génère à basse température des solutions structurales nouvelles (composite monoclinique intermodulé, ancrages commensurables), exploitant des degrés de glissement à coût nul prédits dans de tels matériaux apériodiques [5].
Références:
[1] T. Janssen, G. Chapuis, M. de Boissieu, Aperiodic Crystals: From Modulated Phases to Quasicrystals, (Oxford Univ. Press, Oxford, 2007).
[2] D. Schechtman, I. Blech, D. Gratias and J. W. Cahn, Phys. Rev. Lett. 53, 1951–1953 (1984)
[3] B. Toudic, P. Garcia, C. Odin, et al., Science 319 (2008), 69-72.
[4] C. Mariette, L. Guérin, P. Rabiller, et al., Phys. Rev. B87, 104101 (2013)
[5] C. Mariette, M. Huard, P. Rabiller, et al., J. Chem. Phys.136, 104507 (2012)