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La diffraction des électrons a le vent en poupe ! Dans un précédent commentaire paru en septembre 2015 sur le site de l'Association Française de Cristallographie, il est décrit comment il est désormais possible d'affiner de façon dynamique des modèles structuraux en utilisant des données de diffraction des électrons enregistrées en mode tomographique. L'équipe de cristallographes de l'Institut de Physique à Prague s'est associée aux chercheurs du CRISMAT (Laboratoire de Cristallographie et Sciences des Matériaux) et du LCS (Laboratoire Catalyse et Spectrochimie) à Caen pour une application très précise de ces méthodes : la localisation des hydrogènes dans des micro-cristaux. Les résultats sont décrits dans le journal Science du 13 janvier 2017. Pascal Roussel (Laboratoire UCCS à Lille) explique.

Tous ceux qui se sont un jour frotté avec des résolutions structurales par diffraction des rayons X vous le diront : trouver la position précise des atomes d’hydrogènes dans une structure n’est pas toujours chose facile… En effet, le modeste atome d’hydrogène, du fait de sa « petite taille » (il ne possède qu’un électron) ne se « voit » pas toujours très facilement, même sur un monocristal. Et pourtant, il est si important de connaitre sa position précise. En effet, elle est très souvent reliée à des propriétés physiques de première importance : on peut citer par exemple l’identification du site actif d’un catalyseur acide, la solubilité d’un médicament ou bien la structure en hélice de l’ADN, toutes ces propriétés sont gouvernées par des liaisons avec des atomes d’hydrogène.

Et si, en plus, on n’a pas de monocristal de taille convenable à disposition (200 μm3 est une taille déjà bien petite…), positionner ces satanés hydrogènes devient presque sans espoir. Les résolutions ab initio sur poudre avec des rayons X ne mènent en général à rien et il faut recourir à de la diffraction de neutrons sur poudre deutérée (beaucoup plus rare, couteuse, et disponible seulement sur des « grands instruments » après une sélection sévère) pour avoir à nouveau un espoir de succès.

Et si la diffraction des électrons était la solution ? C’est en effet la réponse à ce problème qui est mise en lumière dans l’article « Hydrogen positions in single nanocrystals revealed by electron diffraction » par L. Palatinus, P. Brázda, Ph. Boullay, O. Pérez, M. Klementová, S. Petit, V. Eigner, M. Zaarour & S. Mintova dans la prestigieuse revue Science 355, 166-169 (2017) du 13 Janvier 2017. Cette étude démontre en effet, qu’en utilisant la diffraction électronique (en mode précession du faisceau) et la méthode de tomographie 3D dans l’espace réciproque, tout ceci couplé à une méthode d’affinement qui prend en compte les effets dynamiques, inhérents à la diffraction électronique, on peut remonter à la localisation précise des atomes d’hydrogène à l’échelle du nanocristal !

palat science1Ainsi, sur un nanocristal de paracétamol d’un volume de 0.001 μm3, les auteurs de ce manuscrit ont réussi à localiser les atomes d’hydrogène avec une précision comparable à celle obtenue sur un monocristal de taille « normale » analysé par diffraction des rayons X, la méthode habituelle. Ils ont ensuite appliqué le concept à la détermination structurale ab initio d’un aluminophosphate de cobalt, une structure de type zéolite possédant des propriétés potentielles en catalyse.

palat science2C’est assurément un progrès à marquer d’une pierre blanche et c’est sans réserve que nous félicitons nos collègues Philippe Boullay et Olivier Pérez, membres actifs de l’AFC, pour ce superbe travail de cristallographie qui ouvre la voie à des espoirs tant dans la voie académique qu’industrielle, quand on sait l’importance des hydrogènes dans les sciences pharmaceutiques ou la catalyse. On vous l’avait déjà dit en 2015, la diffraction des électrons, c’est dynamique et ce nouveau succès en est l’illustration parfaite.

Auteur : Pascal Roussel - Laboratoire UCCS - Univ Lille - UMR CNRS 8181

Première figure : couverture de Science du 13 janvier 2017 (C. Bickel / Science)