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Les évolutions dans le domaine de la diffraction des électrons sont très importantes ces dernières années ce qui a permis de résoudre beaucoup plus facilement qu'avant des structures cristallines par  la technique de précession des électrons. Philippe Boullay, Damien Jacob et Pascal Roussel commentent ici un article récent ( Palatinus et al., Acta Cryst A71 (2015), 235-244 ) qui décrit une autre avancée très importante, i.e. l'utilisation de la théorie dynamique de la diffraction des électrons pour les données obtenues par la précession des électrons en mode tomographique, qui permet d'affiner des structures jusqu'à une fiabilité pas trop loin de celle des affinements sur données rayons-X.


L’utilisation routinière des données de diffraction des électrons pour l’affinement de structures cristallines de façon similaire à ce qui se fait par diffraction des rayons-X sur monocristal est longtemps apparue comme inaccessible. Si la forte interaction électrons/matière permet l’analyse de cristaux de taille nanométrique, l’approximation cinématique n’est généralement pas valide en diffraction des électrons, ce qui rend le traitement de l’intensité diffractée plus complexe qu’en diffraction des rayons-X et des neutrons. Plus complexe, mais pas impossible, puisque le formalisme ( ondes de Bloch [1] ) permettant de décrire les conditions dynamiques de la diffraction des électrons  est déjà utilisé depuis longtemps pour la simulation de diagrammes de diffraction des électrons obtenus en faisceau convergent. Cependant l’utilisation de ce formalisme par des programmes permettant des affinements de structure «à la façon de» la diffraction des rayons X à partir de diagrammes obtenus en faisceau parallèle ne rencontra pas de succès malgré quelques tentatives [2].

Dans un premier article publié en 2013 [3], Lukáš Palatinus et co-auteurs ont montré, d’une part, la faisabilité de l’affinement de structures cristallines en considérant les conditions dynamiques de diffraction, et d’autre part, l’apport important de la technique dite de précession des électrons [4] pour permettre d’obtenir une meilleure convergence des résultats dans le cadre de tels affinements « dynamiques ». Cet article présentait l’analyse d’intensités diffractées obtenues à partir de quelques diagrammes de diffraction des électrons ( axe de zone de faible indices ) obtenus en faisceau parallèle, avec ou sans précession.

Dans son nouvel article de cette année [5], Palatinus et le groupe de cristallographie de Prague ont franchi un nouveau pas décisif en décrivant l’implémentation d’un module dédié à la diffraction des électrons et aux affinements dynamiques dans le programme JANA2006 [6]. S’intégrant dans une interface bien connue de la plupart des cristallographes structuraux, ce module permet dorénavant de traiter les données de diffraction des électrons obtenus par précession des électrons enregistrées en mode dit « tomographique » [7] correspondant, concrètement, à un enregistrement de type cristal tournant en diffraction des rayons X sur monocristal. Quelques groupes de cristallographes et microscopistes en Europe, dont celui du CRISMAT à Caen et ceux de l’UMET et de l’UCCS à Lille, ont joint leurs efforts pour tester et valider ce nouveau concept et proposer à la communauté un outil fiable et fonctionnel. Leurs résultats, ainsi que des recommandations utiles pour la mise en œuvre de ces affinements dynamiques, seront publiés prochainement [8]. Ils montrent que la précision des affinements est supérieure à celle obtenue par diffraction des rayons X sur poudre en affinement Rietveld et approche celle des affinements par diffraction des rayons-X sur monocristaux ou par diffraction des neutrons poudre.

La diffraction des électrons est bel et bien dynamique et il est fort à parier que la naissance de ce nouveau « diffractomètre aux électrons » ( issu du mariage de la précession et de la tomographie ) combiné aux logiciels d’intégration ( PETS [9] ) et d’affinement dynamique ( JANA2006 [6] ), mis gratuitement à disposition des cristallographes, permettra de résoudre et d’affiner un nombre de structures croissant, à une échelle jusqu’à présent inaccessible par d’autres techniques.
structure pr2015

Exemple de la structure de K1La5O5(VO4)2 résolue ab-initio en utilisant des données de diffraction électronique et affinée en utilisant la théorie dynamique de la diffraction (P. Roussel, communication privée).


Références:
[1] H. A. Bethe, « Theorie der Beugung von Electronen an Kristallen » Ann. Phys. Lpz. 87 (1928), 55.
[2] J. Jansen, D. Tang, H. W. Zandbergen & H. Schenk, « MSLS, a Least-Squares Procedure for Accurate Crystal Structure Refinement from Dynamical Electron Diffraction Patterns » Acta Cryst. A54 (1998),  91; A. P. Dudka, A. S. Avilov,  & G. G. Lepeshov, « Crystal structure refinement from electron diffraction data » Crystallogr. Rep. 53 (2008), 530.
[3] L. Palatinus, D. Jacob, P. Cuvillier, M. Klementová, W. Shinkler, L. D. Marks, « Structure refinement from precession electron diffraction data » Acta Cryst. A69 (2013), 171.
[4] R. Vincent, P. A. Midgley, « Double conical beam-rocking system for measurement of integrated electron diffraction intensities » Ultramicroscopy 53 (1994), 271.
[5] L. Palatinus, V. Petříček, C. A. Corrêa, « Structure refinement using precession electron diffraction tomography and dynamical diffraction: theory and implementation » Acta Cryst. A71 (2015), 235.
[6] V. Petříček, M. Dusek, and L. Palatinus, « The crystallographic computing system JANA2006: General features » Z. Kristallogr.229 (2014) 345.
[7] U. Kolb, T. Gorelik, C. Kuebel, M. T. Otten, D. Hubert, « Towards automated diffraction tomography: Part I—Data acquisition » Ultramicroscopy 107 (2007), 507.
[8] L. Palatinus, C. Corrêa, G. Steciuk, D. Jacob, P. Roussel, Ph. Boullay, M. Klementova, M. Gemmi, J. Kopecek, C. Domengheti, F. Camara & V. Petříček (2015) soumis Acta Cryst. B « Structure refinement using precession electron diffraction tomography and dynamical diffraction: tests on experimental data ».
[9] L. Palatinus, « PETS — program for analysis of electron diffraction data », Institute of Physics, Prague, Czech Republic, 2011.

Source de la première figure : http://csown.dhs.org/proeng.html.

Auteurs:
Philippe Boullay : Laboratoire CRISMAT - ENSI Caen - UMR CNRS 6508
Damien Jacob : Laboratoire UMET - Univ Lille - UMR CNRS 8207
Pascal Roussel : Laboratoire UCCS - Univ Lille - UMR CNRS 8181