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Le 23ème congres de l'IUCr à Montréal a attiré plus de 120 chercheurs et ingénieurs travaillant en France sur 2200 participants en total.  Quatre exposés 'keynote' sur quarante étaient français ainsi que 55 sur environ 600 présentations orales dans les microsymposia.  Mais quelles sont les leçons à tirer de ce congrès sur le plan scientifique ? Quels étaient les faits marquants ; quelles étaient les tendances ? Voici les récits d'un physicien et d'un chimiste présents à Montréal.

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La conférence de Montréal a mis en lumière le dynamisme de la recherche à la fois dans le développement et les méthodes cristallographiques, et dans leurs applications dans les champs de la science des matériaux les plus actuels. En ce qui concerne les nouvelles sources de rayons X, les premiers résultats issus des X-FEL (image à droite, DESY's XFEL project group), au-delà des expériences de démonstration, commencent à apparaitre. Des progrès restent à accomplir pour adapter les mesures, notamment en diffraction des macromolécules  où on est confronté au problème de la destruction de l'objet étudié pendant son observation. Les expériences de spectroscopie ultrarapides de composés inorganiques par contre fournissent déjà des résultats spectaculaires. Toujours dans le domaine des nouvelles sources, les upgrades en cours ou prévus des différents synchrotrons vont les amener près de la limite de diffraction avec des gains substantiels en brillance. Ces progrès sont accompagnés par ceux des détecteurs : on a vu se multiplier les résultats spectaculaires obtenus à l'aide de détecteurs 2D de type pixel ou " flat panel " qui sont maintenant largement répandus dans les centres synchrotron. Nul doute qu'ils vont bientôt envahir les laboratoires et permettront des acquisitions de plus en plus rapides, à haute résolution et haute énergie.
    Les développements méthodologiques ont été aussi un aspect marquant des présentations. On a vu étonnamment peu de sessions dédiées à l'analyse PDF (une seule, en fait), mais l'utilisation de cette technique s'est maintenant largement répandue dans la communauté et on l'a vue appliquée dans de nombreuses études concernant nanoparticules, matériaux désordonnés, mesures in situ, etc. On voit également émerger l'utilisation de la RMN pour la résolution de structures cristallines, souvent  combinée à la diffraction. Cette méthode est maintenant mure et va sans doute se répandre au moins pour la cristallographie des composés organiques. Les méthodes d'analyse de symétrie ont également été mises en avant, avec la mise à dispositions de logiciels puissants leurs applications aux études aussi bien structurales que magnétiques.
  altCependant, la technique la plus remarquée à Montréal a été sans conteste la diffraction électronique (image : Large Angle Rocking Beam Electron Diffraction (LARBED) Demo 1), qui a fait l'objet d'une plénière, d'une keynote et de plusieurs microsymposia. La cristallographie électronique basée sur les intensités diffractées fait l'objet de plusieurs variantes (précession, tomographie…) dont les bénéfices mutuels ont été comparés. Il a également été montré qu'au-delà de la résolution, l'affinement de structure prenant en compte le caractère partiellement dynamique des intensités mesurées est maintenant possible, ce qui ouvre le champ complet des études structurales  à la cristallographie électronique.
    Pour ce qui concerne les applications de la cristallographie en science des matériaux, les pérovskites ont sans doute été à nouveau les composés les plus en vue. Plusieurs microsymposia ont été dédiés aux études liées au multiferroïsme, magnétoélectricité, ferroélectricité, frustration magnétique topologique, etc. ainsi qu'aux transitions de phases présentes dans ces systèmes en fonction de la température, de la pression… Ici, l'analyse de symétrie est un élément crucial pour l'interprétation des propriétés physiques et il est donc naturel de voir la communauté des cristallographes fortement impliquée dans ces recherches.
   En conclusion, la conférence de Montréal, sans apporter de révolution, a démontré la vivacité de la communauté et l'étendue des progrès réalisés, qui sont riches de perspectives enthousiasmantes.

Pierre Bordet (Institut Néel, Grenoble)

 

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Le XXIIIème congrès de l’IUCr à Montréal a révélé des orientations fortes pour la cristallographie axe « chimie du solide » ; ces tendances tiennent plus au développement ou à l’essor de techniques expérimentales, à des enjeux scientifiques qu’à des matériaux donnés.

Ainsi, la diffraction sous environnements donnés comme les hautes pressions  (voir image à gauche - ESRF, Denis Andrault), la température, les irradiations lumineuses, le magnétisme … la diffraction in situ, a été mise à l’honneur dans ce congrès et ce dans un large domaine de matériaux. La chimie du solide montre un intérêt de plus en plus marqué à la   compréhension des propriétés physique liées à un changement d’état (insertion – désinsertion d’ion lithium dans une batterie …), à une transition structurale (mise en ordre électronique, magnétique, chimiques …). Souvent sous-jacent à ces études, les matériaux apériodiques, plutôt anecdotiques jusqu’alors,  ont été au cœur d’un grand nombre d’exposés lors de cette édition et eux aussi pour une large gamme de thématiques allant de composés intermétalliques, organo métalliques, oxydes … jusqu’aux protéines. Cette recrudescence d’apériodicité en chimie du solide peut avoir pour cause les avancées des techniques de diffraction (sources de rayonnement,  détecteurs) mais aussi l’exploration des limites de la stabilité chimique. La diffraction électronique via ses plus récents développements s’est affirmée au cours de ce congrès -le grand nombre de symposiums dédiés au moins en partie à cette technique en est une flagrante illustration - comme un des outils les plus prometteurs pour inspecter ses frontières de la stabilité en chimie du solide. La tomographie aux électrons méthode qui  conduit par l’utilisation d’un microscope électronique « à la manière » d’un diffractomètre pour monocristal à une vision tri dimensionnelle du réseau réciproque est complémentaire de la diffraction sur échantillons polycristallins classiques ; elle permet d’accéder sur un matériau nouveau à des informations sur des diagrammes de diffraction complexes (grands paramètres de maille, apériodicités, diffusion diffuse …). Couplée à des algorithmes traitant les effets dynamiques inhérents parfois à la diffraction des électrons et/ou à l’utilisation de modules de précession des électrons, elle devient un outil indispensable pour l’étude de la structure de composés synthétisés sous forme nanométrique ; la taille de la sonde rend possible l’acquisition de données sur une nanoparticule qui feront l’objet d’un traitement type monocristal  intégrant une approche dynamique de la diffraction.

Olivier Perez (École Nationale Supérieure d'Ingénieurs de Caen)