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L'un des évènements phares du colloque de l'AFC édition 2016  à Marseille a été la Table Ronde « Grands Instruments : nouvelles perspectives ». Martin Weik et Jaques-Philippe Colletier (Institut de Biologie Structurale à Grenoble) commentent ici une de ces nouvelles perspectives :  Imagerie macromoléculaire de cristaux imparfaits par rayonnement XFEL.

cristal imparfaitL'arrangement périodique de molécules dans un cristal est à l'origine des tâches de Bragg dans une expérience de cristallographie. Un léger désordre dans l'empilement cristallin fait diminuer l'intensité de ces tâches à haute résolution et donne naissance à une diffraction continue entre et au-delà ( figure à gauche : impression artistique d'un cristal imparfait; source phys.org; credit SLAC National Accelerator Laboratory ). Alors que ce signal continu est exploité depuis plusieurs décennies pour obtenir une information sur la dynamique des macromolécules biologiques cristallines (appelé diffusion diffuse dans ce cas là ; Doucet & Benoit, 1987; Wall et al., 2014), son utilisation pour la détermination d'une structure, ou pour étendre la résolution d’une carte de densité électronique, n'a à ce jour pu être envisagée pour les macromolécules biologiques.

En effet, non seulement ce signal est-il faible mais il faut, pour le phaser, pouvoir distinguer sa modulation par les positions relatives des différentes molécules dans la maille, de celle provenant de la dynamique interne de chacune de ces molécules. Ainsi, la diffraction continue comporte plus d'information que les taches de Bragg mais cette information est difficilement extirpable. Le plus simple serait, évidemment, que toutes les molécules soient immobiles dans le cristal, éliminant une contribution de la dynamique interne et autorisant un phasage itératif de la structure, comme cela est déjà fait en imagerie cohérente aux rayons X (Coherent X-ray Imaging, Sayre, 1952 ; Miao et al., 1999, quoiqu'à basse résolution, (~10 Å) et sur des objets relativement larges (~100 nm).

Dans une publication récente (Ayyer et al, 2016), le consortium international réuni autour de Henry Chapman a pris avantage de la durée ultra-courte (~50 fs) des pulses de rayons X produits par le laser à électrons libres (X-ray free electron laser - XFEL) de Stanford pour s'affranchir de la dynamique interne d'une protéine cristalline. Ainsi, ils ont démontré que le signal de diffraction continue qui s'étant au delà des tâches de Bragg peut être utilisé pour augmenter la résolution d'une structure. De près d'un million de cliché de diffractions collectés sur des microcristaux de photosystème II par cristallographie sérielle à l'échelle de la femtoseconde (ou serial femtosecond crystallography - SFX ; Chapman et al., 2011), ils en ont sélectionné 3000 images sur la base d'une diffraction continue particulièrement intense (cf. Fig. 1a pour un exemple) et un jeux de données assemblé (Fig. 1b). La structure résolue à 4.5 Å de résolution par l'exploitation du signal de Bragg a servi pour générer une enveloppe, à partir de laquelle la diffraction continue au-delà de 4.5 Å a été phasée itérativement, résultant en un modèle à 3.5 Å de résolution. Dans leur étude, les auteurs offrent également la démonstration numérique de la faisabilité d'un phasage ab initio du signal de Bragg, en utilisant la diffraction continue du cristal. L'utilisation de cristaux avec un léger désordre translationnel est préconisée, car celui-ci maximise la diffraction continue au prix (attendu) d'un signal de Bragg réduit. Les cristaux mal-diffractants pourraient donc voir venir leur ère de gloire.
ayy1a Figure 1a : Cliché de diffraction d’un microcristal du photosystème II, obtenu par cristallographie sérielle au laser à électrons libres de Stanford. La diffraction continue est visible sous forme de speckles au-delà des taches de Bragg. Figure extraite de Ayyer et al., 2016.

ayy1b Figure 1b : Espace réciproque d’un jeux de données assemblé à partir de 3000 clichés de diffraction. Figure extraite de Ayyer et al., 2016.

La mise en service du XFEL à Hambourg en 2017 rendra cette méthode de phasage accessible à un nombre plus large de cristallographes européens. Les upgrades à venir des installations synchrotrons telles que l'ESRF promettent des brillances plus élevées, qui pourraient suffire à faire l'hypothèse que les molécules sont immobiles dans le cristal lors de l'exposition X.

References :

Martin Weik et Jacques-Philippe Colletier (Institut de Biologie Structurale à Grenoble)